« Ma vie, même fragile, est belle ! » - Témoignage de Louis Bouffard
Publié le 30 Mai 2025
« Ma vie, même fragile, est belle ! »
______________________________________________________________________________________________________________________________________________________
Témoignage de Louis Bouffard le 25 mai 2025
B |
onjour je m’appelle Louis Bouffard, j’ai 25 ans. Je suis très content d’être avec vous cet après-midi.
Comme vous pouvez le voir, je ne marche pas, je ne peux pas me nourrir seul, je suis dépendant à 100 % pour tous les gestes du quotidien : me laver, m’habiller ou boire. Même pour enlever une mouche posée sur le bout de mon nez, j’ai besoin d’aide !
/image%2F0994609%2F20250530%2Fob_29c340_louis-bouffard.jpg)
Je me déplace grâce à un fauteuil roulant. Je dors avec une assistance respiratoire depuis plus de 12 ans. Et bientôt, j’en aurai certainement besoin toute la journée.
Je suis atteint d’une maladie dégénérative et incurable, qui s’appelle la myopathie de Duchenne. Ce qui veut dire que mon état qui est déjà fragile va continuer à se dégrader.
Et pourtant, je vous assure que je suis pleinement vivant.
Et surtout… même si l’évolution de ma maladie est inexorable, j’aime la vie !
Ma vie fragile est immensément belle, digne jusqu’au bout.
Je perds peu à peu mes forces. Mon autonomie.
Mais il y a une chose que je ne perdrai jamais : ma dignité.
Car la dignité ne dépend pas de ce qu’on peut faire.
Elle ne s’use pas quand le corps s’abîme.
Elle ne s’atrophie pas avec mes muscles.
La dignité, elle est en nous. Intrinsèque. Inaliénable. Intouchable.
Je voudrais vous partager une profonde expérience que j’ai vécue il y a quatre ans.
Après une chute de cheval, ma mère est tombée dans le coma.
La veille de sa mort, alors que les médecins nous avaient préparés au pire, toute la famille s’est retrouvée à l’Hôpital à son chevet.
Et il y a eu un geste, un geste qui restera à jamais gravé dans mon cœur et ma mémoire. Mon frère a pris ma main, cette main inanimée qui semble inutile à tant de personnes. Et il l’a déposée sur celle de ma mère. Par ce simple contact, j’ai pu lui dire tout l’amour de fils que j’avais pour elle. Et je sais que cette vie que je porte en moi, que tout mon amour, elle les a ressentis. Oui, la vie jusqu’au dernier instant est précieuse !
Nous nous sommes rassemblés aujourd’hui, et merci d’être venus si nombreux, parce qu’une proposition de loi sur l’aide à mourir, visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté est en train d’être débattue à l’Assemblée nationale.
Ces débats créent en moi une profonde angoisse. En les écoutant, j’en arrive à me demander « est ce qu’un jour je ne serai plus digne de vivre ? ».
Car la maladie que je porte, elle évolue. Et petit à petit ma vulnérabilité grandit. « Est ce qu’à un moment donné, je serai rejeté de la communauté humaine, à cause de la dégradation de mon état de santé ? »
Aujourd’hui je veux vous le dire avec force, moi j’aime la vie ! Et ma vie, même fragile est belle !
Ce projet de loi, ce n’est pas un progrès c’est une régression ! Cette loi fera peser sur nous une pression sociale pour nous éliminer. Quand on vous déclare en permanence que vous êtes un poids pour vos proches, une charge pour la société, une lourde dépense, que vous êtes trop dépendant ou trop seul… Alors le désir de mourir peut surgir. Mais ce désir, c’est un immense appel à l’aide, un appel à être aimé. C’est un cri de vie !
La proposition de loi sur l’« aide à mourir » franchit une ligne rouge : elle ouvre la porte à la légalisation d’une mort administrée. Elle fait passer un signal terrible à tous ceux qui, comme moi, sont en situation de grande dépendance : « Votre vie est trop dure ? Vous avez le droit de mourir… et peut-être même le devoir. »
Je ne veux pas de cette société-là. Je veux une société qui dise à chacun : tu es important. Tu comptes et on restera à tes côtés, jusqu’au bout.
Il n’y a pas un choix binaire à faire entre souffrir ou mourir. Il existe une troisième voie. Un chemin d’humanité et d’espoir : celui des soins palliatifs.
Être soulagé. Être entouré. Être accompagné. Être aimé. Jusqu’au bout.
Pas dans la solitude. Pas dans l’abandon.
Avec cette promesse faite par les soignants à chacun de nous : celle de la présence et non de l’abandon.
Les soins palliatifs, ce n’est pas “laisser souffrir”.
C’est refuser que la souffrance ait le dernier mot. C’est apaiser. C’est consoler.
Ça ne supprime pas la fin. Mais ça donne un sens à cette fin.
Je veux une société qui dise :
Nous sommes Les Éligibles.
Éligibles à l’accompagnement.
Éligibles au soin.
Éligibles à l’amour.
Pas à la mort.
Et tant que nous pourrons parler, nous dirons : Chaque vie humaine est digne. Jusqu’au bout.
Merci beaucoup.