Vénérable Jacques Sevin (1882 – 1951)
Publié le 24 Février 2024
Vénérable Jacques Sevin (1882 – 1951)
P. J. Rubino – éditions CSC – 2018 - 223 pages
Enfant rêveur, poète, d’une grande sensibilité, il se verrait volontiers chevalier ou marin. Mais l’appel se fait bientôt ressentir qu’il exprime en raillant le gallicanisme et le libéralisme :
« Alors il faudrait désormais
Que dans mon encrier ma bile se repose
Et distille un catholicisme à l’eau de rose
Un tout petit catholicisme bien mignon ?
Qu’au lieu de mon flambeau j’allume un lumignon
Pour ne pas éblouir les yeux de ces chouettes ? »
Son esprit chevaleresque le pousse vers les jésuites : il veut se faire soldat du souverain Roi, sans concession ; il entre au noviciat en 1900 et est ordonné en 1914. Dès 1913, il s’intéresse au scoutisme, rencontre Baden-Powell et pose les premières notes de ce qui sera son livre maître : « Le scoutisme » ; et, dès 1918, « sous le nez des boches qui n’y ont rien vu », il organise la première réunion de scouts.
Mais ce n’est qu’en 1920, après bien des péripéties et de nombreuses oppositions qu’il crée le mouvement des Scouts de France, reconnu l’année suivante par Benoit XV. L’archevêque de Paris emboite le pas : « Ce m’est une joie et une espérance… le but des scouts de France est de faire revivre l’idéal si chrétien et si français de la chevalerie… j’applaudis d’avance et je bénis. » Mais d’ores et déjà, les cabales se multiplient pour éloigner le père trop « catho ».
La grande idée du père est en effet de développer la formation des chefs pour en faire une sorte de chevalerie mariale : « fonder à l’intérieur des Scouts de France une sorte de tiers ordre ayant pour but de former des scoutmestres d’élite, la scoutmaîtrise étant œuvre d’apostolat. » L’ouverture en 1922, du camp école de Chamarande permet un début de réalisation. Sa devise : « apprendre aux enfants à devenir des hommes en apprenant aux hommes à redevenir enfants. »
Dès 1924, les difficultés se multiplient et ne cesseront de s’amplifier jusqu’en 1933. Le père, soutenu par ses supérieurs et Pie XI (personnellement) qui renouvelle sa bénédiction sur le scoutisme catholique, est l’objet de cabales incessantes. Le succès du mouvement qui compte déjà 12000 adhérents en 1926 inquiète fortement certains groupes républicains. On en profite pour accuser le mouvement de naturalisme, de pratiquer les mariages forcés entre chefs et cheftaines et autres fariboles. Bref, le Père devient vraiment encombrant : « Mais oui, nous jugeons votre influence encombrante, envahissante, et nous cherchons les moyens de la réduire », lui dit un des dirigeants du mouvement. Le Père subit tout cela dans l’obéissance, « sans réplique ». A la fin des années 20, un franc maçon réussit à s’introduire au comité directeur ; l’objectif de laïcisation des Scouts de France devient évident ; le Père est destitué de toutes ses fonctions en 1933 malgré un large soutien des chefs de terrain. Jacques Sevin calomnié se retire, l’âme en peine mais obéit pour ne pas créer de division.
Appelé à d’autres fonctions, il mûrit son projet d’ordre scout ; ce sera « la Sainte croix de Jérusalem » qui naît en 1944 : « Le scoutisme catholique avait développé une véritable spiritualité sui generis et nous n’avions pas à en rechercher une autre pour nous donner à Dieu par la vie religieuse » déclare la première prieure de la jeune communauté. En 1946, une rencontre avec le père Revet permettra, plus tard, à celui-ci, de créer une communauté dans le même esprit : « La Sainte Croix de Riaumont ».
Malade, il demeure serein, joyeux, amical, lucide et obéissant ; il rend son âme à Dieu en 1951. « Il garda connaissance jusqu’au bout et s’endormit vraiment dans la paix du Seigneur comme une lampe s’éteint peu à peu. » (Jacqueline Brière prieure de la Ste Croix). L’héroïcité de ses vertus étant reconnue, Benoit XVI le déclare vénérable en 2012. G.G.