Le Cardinal Lavigerie (1825-1892)
Publié le 12 Janvier 2023
Le Cardinal Lavigerie (1825-1892)
« Un géant de l’apostolat »
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ès son plus jeune âge, Charles Lavigerie présente un caractère trempé, impétueux, majestueux, éloquent, d’une dignité imposante. Il entre au séminaire de Saint Sulpice en 1843 : « l’austère discipline Sulpicienne fut parfois pesante à ce séminariste d’une exceptionnelle envergure, dont la personnalité puissante semblait déborder tous les cadres. » Sa puissante force de travail lui permet de réussir en un an (1847) le baccalauréat et la licence S-Lettres. Il est ordonné le 2 juin 1849 à 24 ans. Étudiant aux Carmes, il prépare deux doctorats en dix mois ; ce qui devrait le destiner à l’enseignement. Mais, acceptant « l’Œuvre des écoles d’Orient », il se dépense sans compter pour les chrétiens du Liban et de Syrie martyrisés par les turcs ; épisode qui détermine sa vocation de missionnaire. « C’est là que j’ai trouvé mon chemin de Damas » dira-t-il plus tard.
Remarqué par le Pape et l’Empereur, il est nommé évêque de Nancy à 37 ans ; sa devise : Caritas ; son blason : un pélican. Avec autorité, le nouvel évêque entreprend des réformes de fond, rencontrant de fortes réticences : amélioration de la formation des prêtres et des religieuses (chargées des écoles primaires) ; une cabale se forme autour du Nonce qui obtient de Rome un refus desdites réformes. Qu’à cela ne tienne, Lavigerie part pour Rome et obtient de Pie IX l’approbation de son décret. Nancy devient vite un très grand diocèse où les constructions et rénovations d’églises se multiplient.
Le jeune évêque entreprenant est bientôt pressenti pour l’archevêché de Lyon ; mais en 1867, contre toute attente mondaine, il accepte l’archevêché miteux d’Alger ; lors de ses adieux au clergé de Nancy, il s’explique : « je ne vous aurais jamais quitté pour un évêché ordinaire, mais il s’agit d’aller évangéliser un peuple encore presque entièrement païen et l’habituer, par la religion et la charité, au travail, à la paix, à l’amour des hommes et de la France. J’ai reconnu la voix de Dieu et j’ai consenti pour l’amour de lui. » et à un ami : « l’Algérie n’est qu’une porte ouverte par la providence sur un continent barbare de deux cent millions d’âmes. C’est là surtout qu’il faut porter l’œuvre de l’apostolat catholique. C’est ce que je crois le clergé de l’Algérie appelé à tenter un jour et ce qu’il peut tenter, dès demain, s’il le veut, au péril de sa vie. Voilà Monseigneur la grande perspective qui m’attire. Trouvez-vous en France une œuvre plus digne de tenter le cœur d’un évêque ? En trouvez-vous une semblable ? Or, cette œuvre, sans que je la recherche, on me la propose à moi directement. Quel motif puis-je avoir devant Dieu pour me refuser à un tel appel ? »
Profondément choqué par les subsides versés à l’Islam par l’État, alors que l’Église est sommée à la discrétion, Charles entreprend à ses frais la construction de nombreuses églises ; il crée l’association « N.D d’Afrique » pour la prière de conversion des musulmans (80000 associés). A la suite de la grande épidémie de choléra de 1867, il ouvre des orphelinats (plus de 1000 orphelins et plus de 2000 indigènes nourris). Pour mener à bien sa tâche, ses appels aux dons ont un immense retentissement ; enfin, après 38 ans d’occupation française, l’Algérie devient terre de mission. De passage à Rome, il stupéfie le Pape par l’audace de ses projets africains ; pour terminer l’entretien Pie IX conclut par un « duc in altum !».
Dès 1868, il crée la congrégation des pères blancs suivie dès l’année suivante par celle des sœurs blanches. Avec leur aide, il va édifier des villages d’orphelins, base de l’évangélisation locale ; de nombreuses églises sortent de terre (49 en 10 ans) suivies bientôt par la cathédrale de Carthage.
Les projets de l’archevêque devenu cardinal en 1882 sur proposition de Jules Grévy (la France est toujours sous le régime concordataire), vont beaucoup plus loin ; c’est l’Afrique qu’il vise, devenant Primat d’Afrique en 1884. G.G