Fin des temps, fin du monde, le mot du curé

Publié le 8 Juin 2022

Fin des temps, fin du monde, le mot du curé

Précisions utiles à propos d’une chronologie de la fin des temps
 

D

ans l’un de ses derniers numéros, l’hebdomadaire Famille Chrétienne s’est fait le relai d’une chronologie de la fin des temps tirée de l’ouvrage de Damian Sanchez, Je viens vous préparer[1], chronologie qui m’a semblé nécessiter des précisions théologiques. De quoi s’agit-il ?
 

On y parle d’une « fin des temps » qui devrait précéder la « fin du monde » proprement dite. On aurait ainsi, comme une première étape, la fin des temps, caractérisée par l’apogée des persécutions contre l’Église, la venue de l’Antéchrist, et des bouleversements cosmiques (châtiments purificateurs, jours de ténèbres…). Ce serait à en croire cette chronologie la « date d’expiration » du temps du diable. Viendrait alors une « nouvelle Pentecôte », un temps de paix, la « civilisation de l’Amour », une espèce d’âge d’or entre le temps de l’histoire et l’éternel paradis, un temps où le Christ règnerait « spirituellement » dans le monde. Alors et seulement alors arriverait la « fin du monde », préludée par une bataille finale où les puissances démoniaques seraient vaincues dans un ultime combat, et consommée par le grand retour du Christ.
 

Que penser de tout cela ? D’abord il faut relever que cette chronologie ici résumée mélange des aspects de la Révélation avec des éléments issus de « révélations » privées (jours de ténèbres, nouvelle Pentecôte…). C’est l’occasion de rappeler :

  1. que les révélations privées même authentiques (apparitions, révélations de personnes mystiques), n’engagent jamais la foi des fidèles, ce qui signifie qu’on n’est jamais obligé d’y croire ;
  2. qu’elles ne peuvent prétendre ajouter quoique ce soit à ce qui est contenu dans la Révélation.

Or il faut le reconnaître, il y a parfois pour nous la tentation d’en savoir plus, notamment en ce qui concerne les évènements de la fin, et certaines de ces révélations ont tendance à satisfaire cette envie. D’où le danger pour nous, face à la très large diffusion sur internet de ces multiples révélations (ou revendiquées comme telles), de céder à cette tentation de curiosité. Tentation d’autant plus forte que ces révélations proposent par ailleurs un contenu profondément catholique : dénonciations de la multiplication des péchés à la surface de la terre[2] , appels réitérés à la prière, à la pratique des sacrements, à la pénitence… Il est alors facile d’avaler le poison théologique qui a pu se glisser dans ces messages, telle l’ivraie au milieu du bon grain. L’antidote demeure ainsi pour nous une constante référence à l’Évangile (interprété à la lumière de la Tradition) qui seul suffit pour le salut, ainsi qu’une obéissance confiante aux autorités de l’Église à qui a été confiée en particulier la charge du discernement des charismes[3] : « aucun charisme ne dispense de la référence et de la soumission aux Pasteurs de l’Église. " C’est à eux qu’il convient spécialement, non pas d’éteindre l’Esprit, mais de tout éprouver pour retenir ce qui est bon " (LG 12) » (CEC 801).

 

Deuxième point très important : cette affirmation d’une forme d’âge d’or terrestre du règne du Christ, avant la fin du monde, présente des relents d’une hérésie déjà ancienne appelée « millénarisme », qui prend ses racines dans un passage de l’Apocalypse mal interprété (Ap 20, 1-8), lequel passage évoque une période de mille ans, encadrée par deux offensives sataniques. La Révélation nous enseigne au contraire, comme le rappelait le Concile Vatican II (GS n°37), qu’ « un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l'histoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l'a dit jusqu'au dernier jour[4] ». En d’autres termes, l’annonce d’une ère de paix et d’amour avant le combat final n’a jamais fait partie du contenu de la foi. Le catéchisme nous enseigne à l’inverse que le combat des forces du mal contre l’Épouse du Christ ne doit pas connaître de répit et au contraire s’intensifier, jusqu’au grand retour du Christ. Citons le n° 677 du Catéchisme de l'Église catholique qui affirme cela très clairement : « L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection (cf. Ap 19,1-9). Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église (cf. Ap 13,8) selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal (cf. Ap 20,7-10) qui fera descendre du Ciel son Épouse (cf. Ap 21,2-4). Le triomphe de Dieu sur la révolte du mal prendra la forme du Jugement dernier (cf. Ap 20,12) après l’ultime ébranlement cosmique de ce monde qui passe (cf. 2P 3,12-13) ».

Abbé Paul-Marie Hédon.


[1] Je viens vous préparer – Apparitions et messages de la Vierge Marie pour notre époque, à la lumière des Saintes Écritures. Parvis 2021. De façon heureuse, l’Auteur déclare explicitement dans son ouvrage que les opinions qu’il y exprime n’ont qu’une valeur privée et qu’il les soumet pleinement au jugement de l’Église.

[2] Mais nul besoin d’apparitions ou de révélations pour le constater et s’effrayer de ce « mystère d’iniquité ».

[3] Les révélations privées font partie des charismes, qui sont des grâces de l’Esprit Saint ordonnées au bien de tous.

[4] C’est nous qui soulignons.

À propos des « trois jours de ténèbres », « prophétie »  attribuée à St Padre Pio et actuellement diffusée dans nos milieux catholiques :

Selon les termes mêmes de Mgr Macaire, évêque de la Martinique, dans sa catéchèse du mercredi 11 mai 2022 :  il s’agit « d’une fausse prophétie, on a vérifié, Padre Pio n’a jamais dit cela » (catéchèse disponible sur www.radiosaintlouis.com ).   Par ailleurs, indépendamment de la question de son authenticité, on constate que ce texte, comme d’autres révélations privées, induit des comportements qui n’ont pas la saveur de l’Évangile, comme le fait de faire des réserves de nourriture (ce à quoi invitent en effet ces « révélations »). Or quand le Seigneur Jésus évoque les évènements qui doivent précéder son grand retour, il n’invite jamais à la peur, à l’inquiétude, au contraire. Ses discours apocalyptiques n’ont qu’un but : éveiller dans nos cœurs les dispositions qui nous permettront de lui rester unis dans ces épreuves, et de demeurer dans l’espérance : « Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Faites attention ! ne vous laissez pas effrayer, car il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin » (Mt 24, 6). « Quand ces événements commenceront, nous dit Jésus, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. » (Lc 21, 28).  La curiosité et la peur concernant l’avenir ne sont pas des fruits de l’Esprit Saint. « Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire ?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?” Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. » (Mt 6, 31-34). Implorons de l’Esprit Saint la grâce de persévérer dans cette Vérité de l’Évangile, et d’y trouver notre paix au milieu des épreuves.   

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Rédigé par paroissedechaumontsurloire

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