Shahbaz Bhatti (1968-2011) - Chrétien et pakistanais jusqu’au dernier souffle
Publié le 26 Mars 2021
Shahbaz Bhatti (1968-2011)
Chrétien et pakistanais jusqu’au dernier souffle
Roberto Zuccolini - Roberto Pietrolucci, Emmanuel, 2013, 188 pages
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1947. Le Pakistan naît de la partition de l’empire des Indes. Fondé par Ali Jinnah qui veut en faire un état laïc, c’est une région très majoritairement musulmane.
Aujourd’hui, c’est un pays d’environ 170 M. d’habitants dont 95 % de musulmans; les catholiques ne représentant que 2 % de la population.
Progressivement, sous l’influence des “talibans”, le pays glisse vers un Islam intégral. L’assassinat d’Ali Butho en 1977 annonce l’accélération de l’islamisation du pays par une application de plus en plus stricte de la “Charia”.
La situation s’aggrave à partir de 1986 avec la mise en place du délit de blasphème, assorti, à partir de 1991, de la peine de mort.
C’est à cette époque que Shahbaz, né en 1968 à Lahore, d’une famille catholique très engagée, entre en scène en créant une association destinée à défendre juridiquement les chrétiens persécutés et à lutter pied à pied contre l’application du délit de blasphème. Il se rendra d’ailleurs compte assez vite de la nécessité d’une association de toutes les minorités religieuses qui aboutit à la création de l’A.P.M.A. en 2002. Cette association, très vite reconnue au plan international devient bientôt incontournable et permet à Shahbaz, allié aux musulmans laïcs (notamment Bénazir Butho), de faire échec, sur le plan juridique à nombre d’actions menées en application de la loi contre le blasphème.
Il apparait en effet très vite que cette loi sert avant tout à défendre des intérêts personnels et à éliminer des voisins dérangeants.
Un exemple parmi une multitude d’autres: celui de Martha BIBI (en 2006/07) victime d’un vol de matériel de maçonnerie, accusée de blasphème et emprisonnée parce qu’elle réclamait restitution des objets auprès des voleurs. La condamnation à mort d’Asia BIBI en 2010 a fait le tour du monde, essentiellement à partir des démarches de Shahbaz devenu depuis 2008 ministre des minorités.
Il aime à répéter qu’il mène son action au service exclusif de Jésus. Il défend la dignité humaine quelle que soit l’appartenance religieuse: “je crois que la chose la plus importante est de changer l’esprit et le coeur des gens. … Nous faisons tout notre possible pour que les gens -qui sont manipulés par le terrorisme ou les groupes militants – se consacrent à l’harmonie et à la paix.”
Un tel programme excède les Talibans qui ont déjà tenté plusieurs fois de l’assassiner. En janvier 2011, au coeur de la capitale Islamabad, l’ami de Bhatti, Salman Taseer, gouverneur (musulman laïc) du Pendjab est assassiné en pleine rue. C’est le tour de Shahbaz 3 mois plus tard.
“Il savait aussi qu’il devait parler contre tout ce qui était erroné dans la société, contre toutes les formes de fanatisme religieux, les préjugés et les injustices qui frappent les minorités religieuses. Pour Shahbaz, la loi sur le blasphème était un abus dangereux et devait être modifiée. Tout cela n’a pas plu aux extrémistes religieux. Ils voulaient passer ces sujets sous silence. Il aurait été facile pour Bhatti de quitter le pays et de garantir sa sécurité personnelle, mais il n’a pas voulu cacher sa foi chrétienne. Il disait: Je suis un chrétien et je veux être assis aux pieds de Jésus.” (Mgr Joseph COUTTS – évêque de Lahore). G.G.