Jérôme Lejeune 1927-1994 (1ère partie)
Publié le 4 Septembre 2020
Jérôme Lejeune 1927-1994 (1ère partie)
Anne Bernet, Presses de la Renaissance, 2018, 510 pages
Garçon calme et sérieux, il vit une enfance heureuse au sein d'une famille catholique entre son ainé et son benjamin. La drôle de guerre perturbe ses études ; réfugié à Etampes, il partage son temps entre la bibliothèque paternelle et la chorale paroissiale. La lecture du "médecin de campagne" de Balzac lui fait apparaître sa vocation : le brave docteur Benassis, tout dévoué aux pauvres de son village le subjugue ; dès lors, Jérôme entrevoit la carrière médicale comme un véritable sacerdoce.
Après la pénible période de l'occupation, c'est le bac En 1944 et, dans la foulée, les études de médecine qui se terminent honorablement en 1951 par l'obtention du doctorat. En même temps, son projet de mariage se précise ; il faut trouver rapidement un emploi, d'autant que la famille a été ruinée par la guerre.
Quelques propositions peu attrayantes se présentent mais, providentiellement, le professeur Turpin qui dirige depuis les années trente un laboratoire de recherches sur le "mongolisme" recherche un assistant. Poste apparemment peu attrayant, que Jérôme intègre en 1952. Lancé à corps perdu dans la recherche, Jérôme ne tarde pas à être remarqué grâce à ses contributions à diverses revues scientifiques, sur les radiations et la génétique. En 1957, il est nommé expert français à l'O.N.U. Sur les questions de radiations.
Son attitude discrète, toujours dictée par la volonté d'affirmer la vérité avec clarté le font à la fois admirer et jalouser. Il n'a que 30 ans et bénéficie déjà d'une notoriété que bien des "mandarins" lui envient. En 1958, en lien avec le dr Gauthier, il met en évidence le patrimoine chromosomique et montre que le "mongolisme" est marqué par l'apparition d'un chromosome surnuméraire au niveau de la 21° paire. Découverte majeure qui en fait l'un des maîtres de la génétique ; des propositions très alléchantes arrivent ; l'université de Columbia veut se l'attacher ; les américains n'arrivent pas à comprendre que ce savant, plutôt pauvre, refuse de donner suite.
Les récompenses internationales se multiplient (prix de la fondation J. Kennedy en 1962...) suivies d'effet en France, bien sûr. Devenu docteur es sciences en 1961 sur "la trisomie 21", il devient directeur de recherches au CNRS en 1963 et se voit attribuer en 1965 une chaire de "génétique fondamentale" à la faculté de médecine de Paris. A 38 ans, le voilà membre du club prestigieux et très fermé des "mandarins". Sa notoriété lui attire très vite la visite de familles éprouvées auxquelles il sait expliquer avec compassion que leur enfant, atteint dans son intelligence, garde intactes et sans doute plus fortes ses facultés affectives ; les parents s'en retournent non plus avec l'image du "monstre" qui détruit leur vie mais avec celle de l'enfant qui la bouleverse.
A ceux qui l'exhortent à ne pas se laisser envahir par ces familles, il répond :
"La compassion vis-à-vis des parents est un sentiment que tout médecin doit avoir. Si un médecin ne l'éprouve pas, il n'est plus qu'une sorte d'ordinateur, une machine à faire des ordonnances. L'homme qui pourrait annoncer à des parents que leur enfant est gravement atteint et qui ne sentirait pas son cœur chavirer à la pensée de la douleur qui va les submerger, cet homme ne serait pas digne de notre métier." G.G.