le célibat des prêtres
Publié le 27 Janvier 2020
Le sujet du mois : le célibat des prêtres
La discipline de l’Eglise catholique peut-elle changer ?
Par l’Abbé Louis-Marie Rineau, fstb. Paru dans Notre Église,
revue diocésaine de Bayonne, oct 19
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épondre à cette question suppose d’abord d’être au clair quant à cette fameuse discipline. Dans l’Église catholique, elle requiert presque toujours du candidat au sacerdoce ministériel qu’il se soit préalablement engagé au célibat à cause du Royaume des cieux (il existe en effet des exceptions, essentiellement chez les catholiques orientaux, où des hommes mariés peuvent être ordonnés prêtres). L’Église catholique ne juge donc pas impossible en soi l’ordination d’hommes mariés, et s’estime compétente pour discerner les cas où elle peut être admise. Ne pourrait-elle pas alors rendre le célibat optionnel, en le laissant au libre choix du candidat au sacerdoce, chacun décidant librement, en son âme et conscience, s’il veut ou non renoncer au mariage ?
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l est remarquable qu’à cette question, le pape François ait récemment répondu non, de la manière la plus claire possible, tout en acceptant de discuter de l’ordination d’homme mariés dans certains cas très précis. Il n’est d’ailleurs pas le premier. Avant lui, Benoît XVI, S. Jean-Paul II, S. Paul VI et S. Jean XXIII avaient fait de même (pour s’en tenir aux papes récents). Pourquoi cela ?
D’abord en raison d’une très antique tradition. C’est depuis le Concile d’Elvire, vers 305, […] que l’Eglise catholique demande à ses prêtres, par la voix de ses évêques unis au Pape, de garder la continence sexuelle en raison de leur statut particulier. Dans un premier temps, elle a admis à l’ordination aussi bien des célibataires que des hommes mariés, ces derniers s’engageant alors à vivre désormais comme frère et sœur avec leur épouse. Mais à partir du XIe siècle (sans doute en raison d’un certain nombre d’inconvénients liés à cette discipline), elle a préféré n’appeler au sacerdoce que des hommes prêts à garder le célibat pour le Royaume des Cieux.
Mais dira-t-on, qu’en était-il durant les trois siècles qui ont précédé le fameux concile de 305 ? […] Ce qui est sûr, c’est que […] lorsque les évêques et les Papes […] demandèrent aux prêtres même mariés de garder la continence, en se réclamant pour cela d’une tradition venue des Apôtres, personne ne songea à protester […] : signe sans doute [que les mesures du IVe s.] (c'est-à-dire du Concile d’Elvire, NDLR) ne surprenaient personne, pour la bonne raison qu’elles ne faisaient que mettre sur le papier une discipline déjà connue de tous. […]
« Il y a comme un lien secret mais réel entre le sacerdoce |
On comprend donc que le Magistère de l’Église ait plus d’une fois qualifié la continence des prêtres de « tradition apostolique », dont elle ne peut donc pas disposer à son gré. Non que chaque prêtre doive être continent, on l’a vu. Mais il importe que ce soit une caractéristique de l’ensemble d’entre eux : car comme le rappelait le Concile Vatican II, si « la pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le Royaume des cieux (…) n’est pas exigée par la nature du sacerdoce », « le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce », ce pourquoi « ce saint Concile » le « recommande » en confirmant la discipline en vigueur (Presbyterorum ordinis, n°16). En d’autres termes : il y a comme un lien secret mais réel entre le sacerdoce et le célibat, une sorte d’harmonie mutuelle. Pourquoi ? Le même Concile évoque « des motifs fondés dans le mystère du Christ et sa mission » (Presbyterorum ordinis, n°16). Il n’est pas difficile d’en repérer la racine commune : par son ordination, le prêtre est réellement configuré au Christ Tête de son Corps qu’est l’Église (voir Presbyterorum ordinis, n°2 et 12). Or, « l’Église, comme Épouse de Jésus Christ veut être aimée par le prêtre de la manière totale et exclusive avec laquelle Jésus Christ Tête et Époux l'a aimée. Le célibat sacerdotal alors, est don de soi dans et avec le Christ à son Église, et il exprime le service rendu par le prêtre à l'Église dans et avec le Seigneur » (S. Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, n°29).
Bref, devenir prêtre […] c’est être réellement transformé dans ses profondeurs à l’image et à la ressemblance du Christ Tête de l’Église, et être appelé par là à refléter le bon Pasteur par toute sa vie. Or le Christ ne guide pas son Église sans se livrer en même temps tout entier à elle, corps et âme. Il n’est pas seulement Tête, il est aussi Époux, au point d’être le premier à vivre le célibat « pour le Royaume ». Voilà pourquoi il est bon, sauf exception, que le prêtre soit lui aussi donné corps et âme au Seigneur et à son Église : afin d’être un signe transparent de l’amour du Christ pour son peuple. […].